#Santé publique

Dépistage organisé du cancer du sein : vers une "rénovation profonde" suite à la concertation citoyenne et scientifique

Le lancement de la concertation nationale, citoyenne et scientifique sur le dépistage organisé du cancer du sein a été décidé mi-2015 par la ministre de la santé, notamment en raison d’une participation modérée et stagnante et de doutes persistants sur son rapport bénéfices – risques.  

Cette concertation, organisée par l’INCa, comportait un comité d’orientation, composé de 9 membres sans lien d’intérêt avec le dépistage*. Ce comité a été chargé, avec le soutien de l’INCa, d’analyser l’ensemble des contributions et travaux recueillis tout au long de la concertation, de procéder à des auditions et de rédiger un rapport final d’orientation sur les évolutions à apporter à ce dépistage.
 
Ce rapport, qui vient d’être publié (1), conclut* à une nécessaire réforme de l’organisation de ce dépistage, en particulier à cause d’incertitudes persistantes sur son utilité (rapport bénéfices - risques positif ou négatif), d’un manque majeur d’informations objectives et transparentes délivrées aux femmes, aux professionnels et aux médias et d’un parcours réalisé sans le médecin traitant, pourtant pivot des autres dépistages, bilans et prises en charge.
 
Cinq recommandations ont donc été émises pour tenter d’améliorer rapidement la situation, ainsi que 2 scénarios d’évolution (avis partagés au sein du comité d’orientation).

L’INCa en a extrait plusieurs préconisations et les a présentées à la ministre de la santé, qui annonce vouloir les suivre pour une "rénovation profonde du programme de dépistage organisé du cancer du sein". Pour cela, Marisol Touraine  a confié à l’INCa et à la Direction générale de la santé le soin d’élaborer "un plan d’action cohérent assorti d’un volet d’évaluation et de recherche", qu’elle présentera à la fin de l’année 2016.
 
* L’auteur de ces lignes fait partie des 9 membres du comité d’orientation de la concertation et a donc, à ce titre, participé aux auditions, aux restitutions des conférences citoyennes et professionnelles, ainsi qu’à la rédaction du rapport final. 

 
06 Octobre 2016 Image d'une montre15 minutes icon Ajouter un commentaire
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Les interrogations sur le rapport bénéfices - risques du dépistage organisé par mammographie ont débuté en 2000 et se sont amplifiées depuis (illustration).

Les interrogations sur le rapport bénéfices - risques du dépistage organisé par mammographie ont débuté en 2000 et se sont amplifiées depuis (illustration).

 
Le dépistage organisé du cancer du sein, généralisé en 2004 mais  objet d'une controverse scientifique dès 2000
Le dépistage organisé (DO) du cancer du sein a été généralisé en France en 2004, dans l'espoir de diminuer la mortalité de ce cancer (près de 12 000 décès par an en France) et le nombre de formes avancées. Cette décision s'est faite sur les
 résultats d'expérimentations locales et d'études étrangères débutées à la fin des années 70.

Il consiste à inviter systématiquement toutes les femmes de 50 à 74 ans sans facteur de risque identifié à bénéficier d'une mammographie gratuite pour tenter de dépister précocement ces cancers, afin de les prendre en charge plus tôt pour diminuer leur sévérité.

Ce DO est piloté par la Direction Générale de la Santé en lien avec l'INCa et l'Assurance maladie.
 
Mais dès 2000, cette utilité a été contestée (Gøtzsche PC, Olsen O., The Lancet, 2000 (2)), en raison d'une baisse plus faible que prévue de la mortalité (par cancer du sein et globale), de l'apparition de surdiagnostics (détection en hausse de petits cancers qui n'auraient pas été diagnostiqués sans cette systématisation des mammographies de dépistage) et surtout de surtraitements (prise en charge – radiothérapie, chimiothérapie et/ou chirurgie de cancers qui n'auraient pas évolué, seraient restés localisés ou auraient involué).
 
Cette controverse sur l'utilité du DO, détaillée dans le rapport, s'est depuis poursuivie, avec de nouveaux doutes et, à l'inverse, de nouvelles affirmations de son intérêt. Les risques excèdent-ils les bénéfices ? Si oui, que faut-il faire ? Si non, comment renforcer la participation pour optimiser les résultats ? Afin d'en savoir plus, la ministre de la santé a donc décidé une concertation citoyenne et scientifique nationale, 11 ans après le démarrage du programme français.
 
La concertation citoyenne et scientifique, un travail approfondi étayé par de multiples avis et contributions
L'INCa (Institut national du cancer), co-pilote du programme actuel et de sa communication, a donc été missionné par la ministre de la santé pour organiser cette concertation nationale.
 
Ce dispositif, qui a duré 11 mois, a été lancé par le Pr Agnès Buzyn, alors présidente de l'INCa (elle est désormais présidente de la Haute Autorité de Santé).

Il a comporté plusieurs étapes permettant de recueillir l'avis de femmes, dans la "cible" (le dépistage par mammographie tous les 2 ans est recommandé entre 50 et 74 ans en France) :
- Ouverture d'un site de recueil de contributions en ligne concertation-depistage.fr et de centralisations des documents et informations. Le comité d'orientation a effectué une analyse de ces contributions, accessible ici (3).
- Organisation d'une conférence citoyenne : 27 femmes de tous âges sélectionnées par tirage au sort et provenant de tout le territoire ont été informées des grands enjeux du dépistage du cancer du sein. Elles ont rendu public leur avis collectif, accessible ici (4). Cet avis insiste notamment sur la nécessité d'une information adaptée, renforcée, individualisée et d'un dépistage plus humain, ainsi que sur la lutte contre les inégalités d'accès au dépistage. 
- Organisation d'une conférence de professionnels : cette conférence a réuni 18 professionnels concernés par la question (médecins généralistes, gynécologues, sages-femmes, radiologues, cancérologues, professionnels du secteur médico-social…). Leur avis est également accessible en ligne (5). Ces professionnels ont également insisté sur la nécessité d'un renforcement de l'information et de la production d'outils d'aide à la décision. Ils souhaitent aussi davantage d'évaluations régulières et que le dépistage en fonction du niveau de risques.
- Auditions d'experts par les membres du comité d'orientation, afin d'obtenir des précisions sur les études disponibles, leur analyse, sur les évolutions technologiques, le bilan des structures de gestion et les contrôles qualité des mammographes, sur l'éthique du dépistage, la position de l'OMS et d'autres instances, etc. Le comité technique et de prospective sur le dépistage du cancer du sein, instance pérenne rassemblant 21 experts, a également exposé ses contributions à la concertation.
- Analyse, discussions et réflexions du comité d'orientation, composé de 9 membres sans lien d'intérêt avec le DO, afin de rédiger un rapport reprenant les données recueillies et recherchées. Ce rapport, qui insiste en particulier sur une nécessaire refonte de l'organisation et de l'information en raison de doutes scientifiques et de carences sur leur transmission, a été achevé début septembre 2016 et est accessible ici (1).
 
Le cancer du sein, une maladie grave dont l'évolutivité est encore mal connue, dans l'attente de marqueurs spécifiques
Cette concertation a permis de rappeler la gravité du cancer du sein et de son impact sur les femmes touchées.
 
Plusieurs experts ont souligné l'importance des recherches en cours, qui permettront peut-être de trouver des marqueurs d'évolutivité susceptibles de beaucoup mieux évaluer cette gravité.

Mais actuellement l'incertitude sur l'évolution à venir des petits cancers non métastatiques diagnostiqués par mammographie puis biopsie ne permet pas d'opter, par exemple, pour une surveillance simple au lieu d'un traitement agressif d'emblée (les gros cancers ou cancers envahissants d'emblée ne posent pas les mêmes problèmes).
 
Le dépistage organisé du cancer du sein, évoqué dès 1968 et désormais déployé dans de nombreux pays
Face à la gravité de cette maladie, malgré les risques de médicalisation de femmes sans problèmes médicaux ("à risque moyen") et malgré aussi l'absence, pour le moment, d'indicateurs sur l'évolution à venir de petits cancers (approche probabiliste), un dépistage organisé a été imaginé dès 1968 par l'OMS (détails page 24 et suivantes du rapport).
 
La Finlande, les Pays-Bas et la Grande Bretagne ont lancé des programmes nationaux de dépistage par mammographie à la fin des années 80, suivis par d'autres pays occidentaux dans les années 90.  


En France, le dépistage national a été lancé en 2004 (détails dans le rapport page 30 et suivantes).

D'autres pays, à plus faible revenus, ont opté pour une recommandation à l'autopalpation des seins, mais rappelons que ce geste n'est pas recommandé, engendrant de nombreux faux positifs (Corbex M et coll., 2012 (6))

Une baisse de la mortalité constatée depuis l'instauration du DO en France et ailleurs, maist-elle liée directement au dépistage par mammographie ? 
La baisse du risque de mortalité depuis l'instauration du dépistage organisé est admise par tous les auteurs et experts. Elle varie, selon les études (observationnelles et randomisées), de 14 % à 48 % de diminution du risque de mortalité liée à ce cancer (ce risque est environ de 5 % à l'âge de 50 ans; une diminution de 20 % le fait donc passer à 4 %).

Une méta-analyse de tous les essais randomisés publiés, réalisée par 5 experts indépendants anglais et publiée fin 2012 dans The Lancet (7), retrouve une réduction moyenne du risque de décès lié à un cancer du sein de 20 %.

Pour 10 000 femmes invitées au DO tous les 3 ans pendant 20 ans, cela signifie que 43 décès sont évités.

Mais il faut noter qu'il est pour le moment difficile, voire impossible d'affirmer que cette baisse est partiellement ou totalement imputable au dépistage, en raison des progrès thérapeutiques effectués depuis les années 80, date des premières études randomisées. Ce fait est d'ailleurs reconnu par les organismes favorables au DO.
 
Les surtraitements, conséquences des surdiagnostics sont également reconnus, mais leur estimation varie énormément selon les sources
Tout comme pour la baisse de la surmotalité, le surdiagnostic (proportion de cancers du sein qui n'auraient pas dû être traités sur l'ensemble des cancers diagnostiqués par le DO) et le surtraitement (prise en charge thérapeutique de cancers non évolutifs) sont admis par les partisans comme par les adversaires du dépistage organisé.

Les estimations publiées varient cependant énormément, de moins de 10 % à 56 %, comme l'indique ce tableau réalisé par les membres du comité d'après Puliti et coll. 2012 (8) :


 
Les auteurs de méta-analyse des études randomisée de 2012 publiée dans The Lancet estiment le taux de surdiagnostic à 19 % sur une période de dépistage de 50 à 70 ans (11 % en prenant en compte els années après la fin du dépistage). Cela correspond à 129 cas de surdiagnostics, identifiés et traités à tort, pour 10 000 femmes invitées au DO tous les 3 ans pendant 20 ans. 
 

A l'inverse, des cancers de l'intervalle, survenant entre deux mammographies, persistent malheureusement.
 
Au final, un rapport bénéfices – risques difficile à  établir et garantir
La baisse de la mortalité est donc tangible, bien qu'elle soit modérée et que l'imputabilité au DO ne soit pas démontrée. De même, le surdiagnostic et le surtraitement de femmes sans facteur de risque particulier sont bien réels. 
 
Que faut-il privilégier ? La baisse de la mortalité, en poursuivant le DO tel quel, voire en l'amplifiant ? Ou la lutte contre les surtraitements, en faisant profondément évoluer le DO, voire en remplaçant par un autre parcours de dépistage précoce ? Les citoyennes, les professionnels et le comité d'orientation ont opté pour une profonde rénovation, avec ou sans organisation nationale (cf. infra).
 
Pas d'étude française pour étayer, ou non, l'utilité du dépistage organisé du cancer du sein
Les membres du comité et experts auditionnés ont noté l'absence de données sur l'efficacité du DO en France : pas d'essai clinique, pas d'étude observationnelle, malgré l'existence de cohortes et de la base de données sur les prescriptions et hospitalisations de l'assurance maladie. Le rapport bénéfices - risques de ce dépistage français n'a donc jamais été évalué. 

De telles études permettraient de vérifier si les bénéfices constatés dans d'autres pays  sont également constatés en France (baisse de la mortalité), de rechercher d'autres bénéfices potentiels qui étaieraient davantage l'intérêt du dépistage (diminution du nombre de cancers diagnostiqués à un stade avancé par exemple), de comparer aussi les femmes régulièrement dépistées et non dépistées sur le plan de  l'état de santé général, de l'espérance de vie, etc.
 
Par ailleurs, pour le moment, aucune étude n'a été réalisée pour comparer une surveillance active à un traitement d'attaque dans la prise en charge des petits cancers localisés non métastasés découverts à la mammographie. Une telle étude permettrait peut-être de faire évoluer les pratiques
 
Le rapport du comité d'orientation suggère donc de réaliser de telles études (analyses populationnelles, comparaison randomisée de différentes approches thérapeutiques), qui permettraient d'affiner la connaissance sur ce rapport bénéfices – risques, affinage indispensable pour pouvoir vraiment affirmer une utilité, ou non, d'un tel programme.
 
L'information non personnalisée délivrée aux femmes tient peu compte de l'incertitude sur le rapport bénéfices – risques. Le médecin généraliste est privé de son rôle de conseil.
Les citoyennes ont souligné le manque total d'informations sur le rapport bénéfices – risques. Certaines sont même tombées des nues en apprenant l'existence de la controverse (dont les étapes sont également reprises dans le rapport).
 
Et effectivement, tant sur les documents de l'INCa que sur la lettre d'invitation, les supports de campagne d'Octobre Rose (très critiquée par de nombreux experts et plusieurs membres du comité), l'information objective sur les doutes actuels sur le rapport bénéfices – risques et sur les connaissances actuelles de ce rapport est manquante.
 
Rappelons aussi que les médecins traitants ne sont pas inclus dans le DO, et donc ne peuvent délivrer de l'information qu'à l'occasion d'une consultation pour un autre motif, alors qu'ils sont les piliers, en France, de la prévention, des bilans, des dépistages, traitements et suivis de traitements… L'analogie avec la vaccination antigrippale A/H1N1 de 2009 (confiée à des centres et non aux médecins, qui s'est soldée par un fiasco dont l'impact est encore tangible aujourd'hui) est d'ailleurs ressortie plusieurs fois lors des discussions.
 
Pour le comité, il paraît donc nécessaire de délivrer une information plus précise, plus équilibrée et transparente sur les incertitudes, non seulement dans la lettre d'invitation, mais aussi via le médecin traitant, les gynécologues et les médias, en particulier lors d'Octobre Rose, évènement qui répète en boucle l'importance du dépistage, mais sans aller plus loin.
 
Des explications sur ce qu'est ce dépistage (une détection précoce d'une tumeur et non une prévention par exemple, ainsi que ces attendus, bénéfices, limites, conséquences, etc.) et son intérêt, ses risques éventuels pour les femmes auquel il est destiné, paraissent indispensables.
 
Des aides à la décision avec infographies peuvent en particulier aider à cette information plus juste. Le comité a fait annexer à son rapport plusieurs infographies réalisées en Suisse, aux Etats-Unis, au Canada et par un médecin généraliste français pour permettre la visualisation de ces données et aider à la décision.  Voici par exemple celle de l'Agence de la santé publique du Canada (9) :
 

 
Cinq recommandations pour une amélioration la plus rapide possible du dispositif en place
Les citoyennes, les professionnels et les membres du comité d'orientation ont fait bien d'autres constats difficiles à tous résumer ici : précisions médicales sur le cancer du sein et ses caractéristiques, inégalités d'accès, non remboursement de l'échographie, souvent proposée en cas de seins hyperdenses ou de mammographie douteuse, si tant est que cette échographie soit pertinente, modalités de rémunération et dispositifs d'incitation de l'assurance maladie, contrôle qualité des mammographes, analyse détaillée des différentes sources d'information, idées reçues, historique et analyse de la controverse scientifique,  perspectives de la recherche, etc.
 
Voici les 5 recommandations qui ont paru indispensables à mettre en œuvre aux membres du comité d'orientation :
  1. La prise en considération de la controverse dans l'information fournie aux femmes et dans l'information et la formation (initiale et continue) des professionnels.
  2. L'amélioration des connaissances scientifiques sur le cancer du sein et la réalisation d'une évaluation ambitieuse des stratégies en place ou à venir.
  3. L'évolution du dépistage du cancer du sein en permettant systématiquement l'intégration du médecin traitant, la double lecture de toutes les mammographies de dépistage, l'évaluation de la pratique d'échographie comme acte complémentaire à la mammographie, ainsi que de sa pertinence, et l'arrêt de tout dépistage précoce avant 50 ans pour les femmes sans facteurs de risques particulier (en pratique, déremboursement des mammographies effectuées avant cet âge en l'absence de risque particulier ou signe d'appel).
  4. L'intégration des stratégies de dépistage du cancer du sein dans une démarche plus globale de prévention et de dépistage par la mise en place d'une consultation dédiée en médecine générale.
  5. Le développement d'une stratégie de dépistage du cancer du sein et de suivi toujours plus hiérarchisée en fonction du niveau de risques.
 
Deux scénarios d'évolution radicale du dépistage organisé pour les femmes sans facteur de risque particulier
Le Comité d'orientation a également débattu sur les possibilités d'évoluation du DO, sans pouvoir trancher entre 2 scénarios en raison d'une absence d'unanimité.
 
Voici ces deux scénarios, pour lesquels le rapport (pages 133 et suivantes) détaille les avantages et inconvénients discutés :
- Scénario 1 : Arrêt du programme de dépistage organisé, la pertinence d'une mammographie étant appréciée dans le cadre d'une relation médicale individualisée.
- Scénario 2 : Arrêt du dépistage organisé tel qu'il existe aujourd'hui et mise en place d'un nouveau dépistage organisé, profondément modifié.
 
L'INCa propose à Marisol Touraine une réforme du programme inspirée des recommandations et du scénario 2
Le Pr Norbert Ifrah, qui a remplacé début 2016 le Pr Agnès Buzyn, a présenté l'analyse de l'INCa des rapports (10) des  citoyennes, des professionnels, des contributions et du comité d'orientation mi-septembre à Marisol Touraine, lors d'une réunion non publique.
 
L‘institut national du cancer estime que les propositions contenues dans le scénario 2 "s'inscrivent pleinement dans les objectifs de l'INCa et dans la logique du Plan Cancer 2014-2018".
 
L'INCa propose donc que lui-même, avec l'Assurance maladie et la direction générale de la santé :
- mettent en place une approche plus personnalisée, en prenant appui sur le médecin traitant pour identification du niveau de risque, conseil et accompagnement des femmes ;
- donnent aux femmes une information "complète, fiable et neutre" pour qu'elles puissent être "actrices de leur santé" et prendre une décision éclairée, si besoin avec l'aide de leur médecin ;
- systématisent la deuxième lecture en cas de dépistage individuel (hors DO) si la mammographie est négative ;
- "suppriment les freins financiers qui demeurent", en particulier en remboursant l'échographie complémentaire, souvent effectuée, à 100 % ;
- "soutiennent un effort de recherche sur les marqueurs d'évolutivité et d'agressivité du cancer du sein pour mieux maîtriser le surtraitement" et de mieux mesurer l'impact du dépistage en France.
 
En revanche, l'INCa estime que le premier scénario est un "cas d'école et est, de l'aveu même des rédacteurs du rapport, très risqué, générateur d'iniquités et de pertes de chances", et que "l'abandon du DO serait un non-sens, en raison de son intérêt sur la morbidité et la mortalité du cancer du sein".   
 
Précisons que contrairement à cette affirmation, le comité d'orientation n'a pas émis un tel point de vue sur le scénario 1, sinon il ne l'aurait même pas proposé (cf. pages 134-136 du rapport pour plus de détails sur ce scénario). Cela a d'ailleurs été déjà souligné en ligne sur JIM.fr (11),  par le Dr Phillppe Nicot (12), généraliste enseignant, membre fondateur du collectif Cancer rose et expert pour la HAS. ou encore par le Formindep (13).  
 
Marisol Touraine prend acte ces propositions et proposera un plan d'action fin 2016
La ministre de la santé rappelle, dans un communiqué de presse publié sur le site du ministère (14), la gravité de cette maladie et salue la mobilisation des associations et agences sanitaires pour Octobre Rose.
 
A l'instar du Pr Ifrah et de l'INCa, Marisol Touraine ne remet pas en cause l'existence du DO et annonce "sa "rénovation profonde" basée sur les recommandations de l'INCa.

La ministre a donc confié à l'INCa et à la Direction générale de la santé le soin, qui pilotent déjà le programme actuel, d'élaborer "un plan d'action cohérent assorti d'un volet d'évaluation et de recherche". Elle en présentera le contenu d'ici la fin de l'année.
 
En conclusion : une évolution profonde qui pourrait éclaircir la controverse et, surtout, optimiser les performances médicales
Les propositions retenues par l'INCa et leur transformation en plan d'action pourraient considérablement améliorer les conditions de ce dépistage, qui souffre aujourd'hui de son manque de pédagogie et de prise en compte, au moins en termes d'informations délivrées, de risques pourtant démontrés.
 
Soulignons que c'est la première fois que les autorités de santé semblent prendre vraiment en compte les limites de ce programme, limites qui alimentent, depuis 2000, une controverse française et internationale.
 
Pour affiner l'estimation du rapport bénéfices – risques, clef de l'efficience d'une systématisation d'un programme de santé publique ou d'un traitement, il manque encore des études françaises sur le rapport bénéfices – risques du DO, des études comparant plusieurs stratégies thérapeutiques en cas de cancer localisé non compliqué chez les femmes sans risque particulier, sans oublier la possible découverte, très attendue mais non effective, de marqueurs d'évolutivité qui optimiseraient le suivi et la prise en charge.
 
En savoir plus :
  1. Rapport du comité d'orientation, concertation sur le dépistage organisé du cancer du sein, septembre 2016
  2. Gøtzsche PC, Olsen O. Is screening for breast cancer with mammography justifiable? Lancet. 2000 Jan; 355(9198): p129–134.
  3. Analyse des contributions numériques, comité d'orientation de la concertation sur le dépistage organisé du cancer du sein, juin 2016
  4. Avis de la conférence des citoyennes, concertation sur le dépistage organisé du cancer du sein, janvier – mars 2016
  5. Avis de la conférence des professionnels, concertation sur le dépistage organisé du cancer du sein, janvier – mars 2016
  6. Corbex M, Burton R, Sancho-Garnier H. Breast cancer early detection methods for low and middle income countries. Breast. 2012 Aug; 21(4): 428-34
  7. Marmot MG et al. Independent UK Panel on Breast Cancer Screening. The benefits and harms of breast cancer screening: an independent review. Lancet. 2012 Nov; volume 380 (9855), p1778–1786. 
  8. Puliti D, Duffy SW, Miccinesi G, de Koning H, Lynge E, et al. Overdiagnosis in mammographic screening for breast cancer in Europe: a literature review. J Med Screen. 2012 Sept; 19(suppl. 1): 42-56.
  9.  Brochure « Renseignements sur la mammographie à l'intention des femmes de 40 ans et plus : un outil d'aide à la prise de décision pour le dépistage du cancer du sein au Canada », 2009, p. 11.
  10. Concertation sur le dépistage du cancer du sein : analyse de l'Institut, septembre 2016
  11. Dépistage organisé du cancer du sein : l'occasion manquée d'une vraie refonte, Aurélie Haroche, JIM.fr, 4 octobre 2016
  12. Arrêt du dépistage du cancer du sein : la France va-t-elle sauter le pas ?, Dr Philippe Nicot, The Conversation, 5 octobre 2016
  13. Dépistage organisé du cancer du sein : la concertation citoyenne sera-t-elle confisquée ?, Formindep, 6 octobre 2016
  14. Marisol Touraine salue la mobilisation contre le cancer du sein et engage la rénovation du programme de dépistage, communiqué de presse, 4 octobre 2016

Sur VIDAL.fr : 
VIDAL Reco "Cancers : dépistages organisés"
Dépistage organisé du cancer du sein : risque de surdiagnostic et absence de baisse évidente de la mortalité - JAMA Internal Medicine (juillet 2015)

Dépistages systématiques : quels impacts sur la mortalité, selon les études et méta-analyses disponibles ? (février 2015)
Cancer du sein et dépistage : des recommandations spécifiques en présence de facteurs de risque (mai 2014)
Dépistage organisé du cancer du sein : renforcement prévu en France, controverse en Suisse (février 2014)
Mastectomie préventive d'Angelina Jolie : les détails du protocole opératoire (mai 2013)

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