#Santé

Traitement de l’HTA chez les patients à risque augmenté : l’étude SPRINT pourrait changer la donne

En cas d’hypertension artérielle associée à un autre facteur de risque cardiovasculaire (hors diabète), faut-il intensifier le traitement pour atteindre des objectifs tensionnels inférieurs à ceux habituellement recommandés ?
 
Oui, selon une vaste étude nommée SPRINT ("Systolic Blood Pressure Intervention Trial") et financée par des fonds publics américains (NIH). Cette étude, publiée le 9 novembre 2015 dans le New England Journal of Medicine (NEJM), montre qu’abaisser la pression artérielle systolique (PAS) à moins de 120 mmHg (au lieu des 140 habituellement visés) chez des patients hypertendus, non diabétiques mais à risque cardiovasculaire augmenté, est associé à une forte diminution du risque cardiovasculaire et du risque de mortalité toutes causes confondues.
 
Cependant, l’intensification du traitement antihypertenseur est également associée à une augmentation significative des effets indésirables (hypotension, chutes, insuffisance rénale). Par ailleurs, atteindre un tel objectif tensionnel (PAS = 120) nécessiterait d’améliorer l’observance, la gestion des autres facteurs de risque cardiovasculaire et de mettre en place un suivi étroit, pour personnaliser le traitement et minimiser le risque de complications.

 
Néanmoins, les bénéfices retrouvés dans cette étude sont tels qu’il est possible que les recommandations officielles américaines (et européennes ?) évoluent prochainement, en particulier pour la prise en charge des personnes hypertendues à risque cardiovasculaire accru, comme le soulignent les professeurs Perkovic et Rodgers dans un éditorial également publié par le NEJM
10 novembre 2015 Image d'une montre5 minutes icon Ajouter un commentaire
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La mesure de la pression artérielle a été effectuée en position assise, au repos, à 3 reprises à chaque consultation (illustration).

La mesure de la pression artérielle a été effectuée en position assise, au repos, à 3 reprises à chaque consultation (illustration).

 
Evaluer les bénéfices d'un abaissement de la tension artérielle plus prononcé que celui actuellement recommandé
Plusieurs essais cliniques ont déjà montré qu'abaisser la tension artérielle réduisait le risque d'aggravation des maladies cardiovasculaires (insuffisance cardiaque, infarctus, AVC). Mais jusqu'à présent, la limite à partir de laquelle ces bénéfices devenaient incontestables et supérieurs aux risques iatrogènes était incertaine.
 
C'est pourquoi les autorités sanitaires américaines (NIH, pour "National Institutes of Health") ont élaboré l'essai clinique SPRINT ("Systolic Blood Pressure Intervention Trial") pour comparer les bénéfices d'un abaissement de la PAS à moins de 120 mm Hg avec ceux d'un abaissement moindre  (< 140 mmHg) et conforme aux recommandations actuellement en vigueur (voir VIDAL RECO "Hypertension artérielle").
 
 Plus de 9 000 patients hypertendus à risque répartis en deux groupes
Le groupe de recherche de SPRINT a donc coordonné un essai randomisé contrôlé et ouvert réalisé avec des patients de 102 sites cliniques américains. Les 9 361 participants recrutés entre 2010 et 2013 avaient au moins 50 ans (âge moyen 67,9 ans, + ou – 9,4 ans).
 
Ils présentaient une PAS de 130 à 180 mm Hg et avaient un risque accru d'évènements cardiovasculaires :  maladie cardiovasculaire clinique ou subclinique, insuffisance rénale chronique (e-DFG* entre 20 et 60 ml/min/1,73 m2), score de Framingham (évaluation du risque de survenue d'un problème cardiovasculaire à 10 ans) supérieur à 15 % et/ou âge supérieur à 75 ans. 

Les patients présentant un diabète de type 2 ou ayant déjà subi un AVC ou un infarctus ont été exclus de l'étude.
 
Ces patients ont donc été répartis en deux groupes, l'un visant à abaisser la PAS sous 120 mm Hg (groupe "120", n = 4 678), l'autre groupe sous 140 mm Hg ("140", n = 4 683).

 
 * DFG = débit de filtration glomérulaire. Le "e-DFG" (DFG estimé) est évalué par une équation basée sur le dosage de la créatinine sodique (CKD-EPI ou MDRD). En cas de doute, le résultat aura été confirmé par un deuxième dosage de créatinine.

Un traitement médicamenteux ajusté régulièrement en fonction de la tension constatée
Pour atteindre les objectifs tensionnels, les patients ont été incités à suivre des règles hygiéno-diététiques. En cas de besoin de médicaments, le protocole de l'étude encourageait les médecins participants à utiliser des diurétiques thiazidiques en première ligne (chlortalidone en particulier), puis des diurétiques de l'anse (en cas d'insuffisance rénale chronique associée), des bêta bloquants, inhibiteurs calciques (amlopinine) et/ou inhibiteurs de l'angiotensine II, seuls ou en association.

Les participants ont été revus tous les mois pendant 3 mois, puis tous les 3 mois, pour ajuster la prise en charge à la tension artérielle mesurée à 3 reprises en position assise après 5 minutes de repos.

Les éventuels problèmes de santé ou décès ont été enregistrés et analysés.

Une étude arrêtée prématurément en raison des bons résultats dans le groupe "120"
Le suivi prévu était de 6 ans. Mais, devant les réductions obtenues dans le groupe "120", les auteurs ont décidé d'arrêter l'essai SPRINT fin août 2015.
 
Le suivi moyen des participants s'est donc élevé à 3,26 ans seulement.
 
Une réduction de 25 % des accidents cardiovasculaires dans le groupe "120"
Le critère principal d'évaluation de l'efficacité de l'étude était la diminution, ou non, du risque de survenue d'un premier accident cardiovasculaire (infarctus, syndrome coronaire aigu, AVC, insuffisance cardiaque, décès d'une cause cardiovasculaire).
 
Les résultats montrent une baisse du risque de survenue de tels accidents de 25 % dans le groupe "120" (HR 0,75 ; IC95 % 0,64 – 0,89, p < 0,001) par rapport au groupe "140" (243 accidents vs 319). Cette différence était significative à 1 an, puis les années suivantes.
 
Une diminution de près de 30 % de la mortalité sur 3 ans, toutes causes confondues
365 décès sont survenus pendant le suivi : 155 dans le groupe "120" et 210 dans le groupe "140". Cela correspond à une diminution de 27 % du risque de décès toutes causes confondues (HR 0,73 ; IC95 % 0,6 – 0,9, p = 0,003).
 
La mortalité d'origine cardiovasculaire était également nettement diminuée, de 43 %, dans le groupe "120" (p = 0,005)
 
Des effets indésirables graves plus fréquents dans le groupe "120"
Certains évènements indésirables qualifiés de graves (hypotension, syncope, troubles électrolytiques, insuffisance rénale, insuffisance rénale aiguë) sont survenus plus fréquemment dans le groupe "120" que dans le groupe "140" (4,7 % vs 2,5 %, HR = 1,88, p < 0,001).

A l'inverse, significativement moins d'hypotensions orthostatiques ont été constatées dans le groupe "120" lors des examens cliniques mensuels puis trimestriels (mais davantage de syncopes ont été relevées…). Les auteurs n'ont pas non plus constaté davantage de chutes ni de bradycardies dans le groupe "120".
 
Les limites de cette étude
Les effets secondaires, en particulier rénaux, de l'intensification du traitement antihypertenseur doivent inciter à la prudence. De plus, les patients diabétiques, aux antécédents d'AVC et de moins de 50 ans ont été exclus de l'étude, ce qui ne permet pas de généraliser ces résultats.
 
Par ailleurs, cette étude a été très encadrée, alors que dans la "vraie vie", l'observance est inconstante : seuls 50 % des patients américains hypertendus traités atteignent l'objectif de 140/90 mm Hg, ce qui suggère que même à ce niveau, le contrôle est compliqué, laissant augurer de difficultés accrues en cas d'objectifs tensionnels révisés à la baisse.
 
Au total : des résultats qui plaident en faveur d'une intensification du traitement antihypertenseur chez les patients à risque cardiovasculaire augmenté
Malgré ces limites, les résultats de l'étude SPRINT, obtenus sur un large échantillon, montrent que les effets secondaires rénaux ne sont pas aussi intenses qu'attendus, alors que les bénéfices (réductions des risques cardiovasculaires et de décès) sont, au contraire, supérieurs aux attentes.
 
Ces bénéfices majeurs, qui ont conduit à l'arrêt prématuré de SPRINT, surpassent donc les risques iatrogènes constatés, comme le soulignent les Pr Vlado Perkovic et Anthony Rodgers (George Institute for Global Health, université de Sydney, Australie), dans un éditorial accompagnant la publication de cette étude. Selon ces cardiologues, les résultats de l'étude SPRINT constituent une première étape vers une redéfinition des objectifs tensionnels pour les patients à risque cardiovasculaire accru, sous réserve d'une prudence thérapeutique et d'un suivi étroit pour minimiser le risque de survenue d'effets indésirables notables, ainsi que d'une prise en charge simultanée des autres facteurs de risque cardiovasculaires (surpoids, tabagisme, hypercholestérolémie, etc.).

Rappelons aussi qu'après 80 ans, les bénéfices du traitement antihypertenseur et de l'atteinte d'une PAS inférieure à 150 mm Hg sont à pondérer (voir notre article).

En savoir plus :
A Randomized Trial of Intensive versus Standard Blood-Pressure Control, The SPRINT Research Group, NEJM, 9 novembre 2015
Redefining Blood-Pressure Targets — SPRINT Starts the Marathon, Vlado Perkovic et Anthony Rodgers, NEJM, 9 novembre 2015
 
Sur VIDAL.fr :
VIDAL Reco HTA
Antihypertenseurs : une prise unique au coucher réduirait le risque de diabète de type 2 (octobre 2015)
Hypertension artérielle après 80 ans : qui traiter, quand et comment ? (septembre 2015)

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