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Insuffisance rénale chronique : la HAS publie 3 outils pour améliorer les parcours de soins

En France, la prise en charge de l'insuffisance rénale chronique (IRC) est souvent tardive et intervient donc fréquemment à un stade avancé. Les Etats Généraux du Rein 2012-2013 ont permis d'identifier plusieurs leviers d'amélioration, à savoir favoriser l'autonomie, préserver tant que possible la fonction rénale, et le cas échéant, anticiper et préparer la phase de suppléance (dialyse ou greffe de rein).

Ce constat et les possibilités d'amélioration expliquent le choix par le gouvernement, fin 2013, de faire de l'IRC une des deux pathologies pilotes pour une expérimentation d'amélioration des parcours de soins. 

Dans le cadre de cette expérimentation, la Haute Autorité de Santé vient de mettre en ligne 3 outils de déclinaison du parcours des patients insuffisants rénaux en
prétraitement de suppléance :
  • le dispositif d'inclusion dans l'expérimentation ;
  • le dispositif d'annonce du besoin de suppléance ; 
  • un schéma sous forme d'arbre décisionnel résumant le parcours de soins des personnes atteintes de maladie rénale chronique

L'objectif de ces outils est de préciser les critères d'inclusion à l'expérimentation de ces parcours améliorés et de décrire le dispositif d'annonce en cas de recours nécessaire à un traitement de suppléance
 
David Paitraud 29 octobre 2015 14 décembre 2015 Image d'une montre8 minutes icon Ajouter un commentaire
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L'insuffisance rénale chronique est une affection, souvent progressive, entraînant une réduction des fonctions du rein (illustration).

L'insuffisance rénale chronique est une affection, souvent progressive, entraînant une réduction des fonctions du rein (illustration).


Le constat : une prise en charge trop tardive des patients insuffisants rénaux chroniques
Selon l'étude EPIRAN menée en population générale à Nancy, l'incidence annuelle de l'insuffisance rénale chronique (e-DFG* < 60 ml/min/1,73 m2) est estimée à 1 sur 1 000 habitants, avec une incidence plus élevée chez l'homme que chez la femme (respectivement 1,3 ‰ et 0,7‰) et un âge moyen de 77 ans. Les comorbidités associées les plus fréquentes sont le diabète (34 %) et l'insuffisance cardiaque (23 %). 

Dans plus de 30 % des cas, le diagnostic était réalisé à un stade avancé (stade 4 ou plus).

En France, on estime que 76 000 personnes présentent une insuffisance rénale traitée par un traitement de suppléance (données 2013) :
- près de la moitié (56 %) sont en dialyse
- 44 % ont reçu un greffon rénal fonctionnel. 


Parmi les constats et conclusions émis lors des EGR (Etats généraux du rein) qui se sont tenus en 2012 et 2013  (voir ce dossier sur le site de Renaloo, blog d'Yvanie Caillé devenu une association de patients insuffisants rénaux, et notre article de juin 2013), la coordination des parcours de soins reste insuffisante, notamment entre la ville et l'hôpital, entre la médecine ambulatoire et les spécialistes. En outre, 30 % des malades traités pour IRC démarrent une dialyse en urgence, quelle qu'en soit la raison. Ce constat démontre un manque d'anticipation de l'évolution de l'IRC

Mieux anticiper l'évolution de la maladie, mieux préparer le traitement de suppléance (greffe ou dialyse)
Comme cela a été souligné lors des EGR, l'objectif est donc d'améliorer les pratiques de préparation au traitement de suppléance et de garantir l'équité d'accès aux soins :
  • en favorisant la prise en charge spécifique. Cela signifie une consultation précoce du néphrologue ;
  • en privilégiant la multidisciplinarité c'est-à-dire les échanges entre le médecin traitant, le néphrologue, le chirurgien, le psychologue, l'infirmier, le diététicien et les services sociaux ;
  • en renforçant l'information du patient pour aboutir à un choix éclairé ;
  • en homogénéisant l'information et la prise en charge sur le territoire français afin de réduire les inégalités ;
  • en protocolisant le dispositif d'annonce.

Par ailleurs, la greffe devrait devenir le traitement de première intention, la dialyse étant réservée aux patients qui ne peuvent être greffés.

Optimiser l'orientation du patient avant la dégradation de la fonction rénale
La phase précédant la mise en traitement de suppléance a été considérée comme un enjeu de taille par les intervenants des EGR, puisqu'elle constitue une étape essentielle d'orientation dans les parcours de soins.

L'optimisation des parcours de soins pourrait permettre de :
  • limiter les complications et la dégradation de la fonction rénale pour prévenir ou retarder l'entrée au stade terminal ;
  • favoriser l'orientation des patients vers les prises en charge les plus efficientes et plus autonomes (greffe, dialyse de proximité), 
  • réduire le nombre de dialyses en urgence, pour améliorer la qualité de vie, la survie et réduire les coûts de prise en charge de l'IRCT ;
  • créer les conditions favorables permettant au patient d'être acteur de son parcours et des décisions le concernant, pour améliorer la qualité de vie au stade terminal.

Une expérimentation sur les parcours de soins de l'IRC qui va débuter en 2016 dans 6 régions pilotes
Des expérimentations sur l'amélioration des parcours de soins ont été prévues par l'article 43 de la LFSS 2014. Elles concernent les parcours de soins des adultes atteints d'insuffisance rénale chronique (IRC) et ceux atteints d'un cancer traité par radiothérapie.  

Ces expérimentations doivent démarrer en 2016 dans 6 régions pilotes (Alsace, Aquitaine, Languedoc-Roussillon, Pays-de-la-Loire, Réunion et Rhône-Alpes), pour une durée maximale de 4 ans. Un décret publié au Journal officiel en juillet 2015 a défini le périmètre de ces expérimentations. 

Les trois outils proposés par la HAS dans le cadre de cette expérimentation complètent le guide du parcours de soins élaboré en 2012 et s'appuient sur les propositions émises lors des Etats Généraux du Rein, résumées brièvement ci-dessus

Quels sont les patients susceptibles de participer à l'expérimentation sur le parcours de soins de l'IRC ? 
Les patients pouvant être inclus dans cette expérimentation sont ceux qui présentent une maladie rénale chronique de stades 3b, 4 ou 5, définie par un e-DFG* < 45 ml/min/1,73 m2 (voir VIDAL Reco "Insuffisance rénale chronique : diagnostic"pendant plus de 3 mois, et qui ne sont pas traités par un traitement de suppléance ou un traitement conservateur

Premier outil : aide à l'inclusion des patients dans l'expérimentation
Le premier outil correspond au dispositif d'inclusion dans l'expérimentation. L'objectif est de proposer aux professionnels impliqués une démarche structurée d'entrée dans l'expérimentation des patients atteints d'IRC et susceptibles de pouvoir en bénéficier. 

Il comporte 6 étapes :
  1. le repérage des patients : cette étape concerne principalement le médecin traitant, ainsi que le biologiste, ou le service des urgences. Les spécialistes suivant des patients présentant des maladies à risque d'IRC telle que les diabétologues (diabète) ou les cardiologues (hypertension artérielle) sont également concernés ;
  2. la vérification des critères d'inclusion, par le médecin traitant sur la base des analyses biologiques ;
  3. le recueil du consentement d'inclusion ;
  4. l'orientation vers un néphrologue par le médecin traitant : une fiche de renseignement concernant le patient et la liste des examens biologiques et des examens complémentaires (échographie rénale) sont transmis au néphrologue pour préparer la première consultation spécialisée (page 6 et 7 du dispositif d'inclusion dans l'expérimentation). Le patient doit cependant être informé que la consultation du néphrologue ne signifie pas l'entrée dans la préparation à un traitement de suppléance ;
  5. la consultation du néphrologue : plusieurs revues de la littérature ont confirmé l'intérêt d'un recours précoce au néphrologue (plus de 6 mois avant l'initiation de la dialyse) par rapport à un recours tardif (moins de 6 mois avant l'initiation de la dialyse). Cette visite, qui devrait intervenir dans un délai de moins de 3 mois pour les patients diagnostiqués, et de moins de 1 mois pour les patients au stade 5 non encore suivis, a pour objectif de confirmer le stade d'IRC, d'identifier la cause et les risques de complication de la maladie rénale, et d'évaluer le pronostic d'évolution et les facteurs de progression à partir principalement du DFG* et de l'albuminurie. 
  6. l'orientation vers le parcours adapté : parcours de soins primaires (IRC stable, non progressive) ou parcours de préparation au traitement de suppléance (en cas de forme progressive), ce qui comporte l'annonce au patient de l'évolution vers un besoin de suppléance et le besoin de préparation de cette suppléance (1er temps du dispositif d'annonce). 
Parcours de soins des personnes atteintes de maladie rénale chronique - arbre décisionnel
La sixième étape du dispositif d'inclusion décrite ci-dessus correspond donc à l'orientation vers le parcours adapté par le néphrologue. La HAS propose un arbre décisionnel schématisant ces deux possibilités de parcours, téléchargeable en cliquant ici (avec liens actifs) et repris ci-dessous, sans liens actifs (Rq : PPS = Plan Personnalisé de Santé) :  



Besoin de suppléance : le dispositif d'annonce
Le troisième outil proposé par la HAS concerne le dispositif d'annonce de besoin de suppléance. Il vise à :
  • donner une information objective au patient,
  • et favoriser la concertation entre professionnels permettant une ou plusieurs propositions de suppléance élaborées de façon collégiale.

Il s'articule, lui aussi, en 6 étapes :
  1. une étape préalable à l'annonce, entre le néphrologue et le médecin traitant afin de préparer la consultation d'annonce ;
  2. une consultation médicale d'annonce avec le néphrologue, voire un infirmier spécialisé, dont l'objectif est d'annoncer la probable évolution vers une perte complète de la fonction rénale ; 
  3. une consultation paramédicale d'accompagnement et de reformulation par infirmier : l'objectif est de clarifier ce qui vient d'être annoncé, et de répondre aux questions du patient ;
  4. une évaluation des besoins d'aide psychologique et social avec un psychologue, une assistante sociale, une association de patients ;
  5. une information sur le choix du premier traitement par le néphrologue, l'équipe pluridisciplinaire, le médecin traitant et une association de patients pour :
    • élaborer une proposition de traitement de suppléance qui offre une égalité des chances de bénéficier des traitements les plus adaptés : greffe, dialyse autonome, dialyse non autonome, traitement conservateur... ; 
    • assurer un accompagnement, une information de qualité et adaptée, la réalité du libre choix ;
    • remédier aux disparités géographiques et sociales observées et homogénéiser les pratiques ;
    • tracer la concertation dans le dossier du patient ;
  6. la décision partagée sur le mode de suppléance : elle résulte du travail des étapes précédentes et permet d'adopter des objectifs communs.  Un référent est désigné et l'ensemble des démarches ou interventions à venir est inscrit dans un PPS (programme personnalisé de santé). L'élaboration d'un outil de concertation pluri-professionnelle est attendue.
 
En synthèse
Les expérimentations de parcours de soins améliorés pour l'IRC, inspirées par les propositions des EGR, devraient être facilitées par les outils proposés par la HAS. D'autres outils, encore en cours d'élaboration, sont à venir, en particulier une Check-list des problèmes liés au parcours IRC pré-suppléance.

L'objectif est d'améliorer les conditions d'information, d'annonce, de choix, d'accompagnement et de prise en charge thérapeutique, en facilitant l'accès à la greffe et à la dialyse autonome. 

 
* DFG = débit de filtration glomérulaire. Le "e-DFG" (DFG estimé) est évalué par une équation basée sur le dosage de la créatinine sodique (CKD-EPI ou MDRD)En cas de doute, le résultat aura été confirmé par un deuxième dosage de créatinine.


Pour aller plus loin : 
Outils de déclinaison du parcours des patients insuffisants rénaux en prétraitement de suppléance (HAS, documents validés en mai 2015, publiés le 9 octobre 2015)
Incidence de l'insuffisance rénale chronique en population générale, étude EPIRAN, Loos-Ayav C et coll. (Néphrologie & Thérapeutique, juin 2009)
2012 - 2013 : Etats Généraux du Rein (contenus et liens sur le site de Renaloo, décembre ,2013)
Guide du parcours de soins : maladie rénale chronique de l'adulte (HAS, février 2012)
Décret n° 2015-881 du 17 juillet 2015 relatif à des expérimentations tendant à améliorer la prise en charge des personnes atteintes d'insuffisance rénale chronique (Journal officiel du 19 juillet 2015 - texte 18)

Liens directs vers les 3 outils de la HAS : 
Dispositif d'inclusion dans l'expérimentation des parcours de soins des patients atteints de maladie rénale chronique (HAS, mai 2015)
Dispositif d'annonce d'insuffisance rénale avancée et de décision partagée sur le mode de suppléance (HAS, mai 2015)
Schéma des parcours de soins des personnes atteintes de maladie rénale chronique (HAS, mai 2015)

Sur VIDAL.fr : 
VIDAL Reco "Insuffisance rénale chronique"
Clôture des États généraux du rein : propositions des acteurs et engagements ministériels, 19 juin 2013

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