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Vaccination contre les rotavirus et surrisque d'invagination intestinale aiguë : le HCSP suspend ses recommandations

Le HCSP (Haut Comité de santé publique) a décidé de suspendre les recommandations de vaccination des nourrissons contre les infections à rotavirus émises en 2013.

Ce changement de position est directement lié aux données récentes de pharmacovigilance concernant le surrisque d'invaginations intestinales aiguës observé avec les vaccins contre les rotavirus, ROTARIX et ROTATEQ.

Ces données ont mis en évidence une évolution défavorable de certains cas d'invaginations intestinales aiguës (IIA) avec résections intestinales chirurgicales et, malheureusement, le décès de 2 nourrissons (sans que l'imputabilité directe soit formellement établie)
.

En outre, les données épidémiologiques ne permettent pas d'identifier une population à risque (comorbidité ou facteurs environnementaux) , ce qui aurait pu permettre d'établir une stratégie de vaccination sélective afin de tenter de minimiser ce risque d'IIA. 

Le HCSP n'écarte cependant pas la possibilité d'une vaccination individuelle, puisque les vaccins contre les rotavirus restent commercialisés. Dans ce cas, les parents doivent être informés du risque d'effet indésirable et des signes cliniques évoquant une invagination intestinale aiguë afin de mettre en place une prise en charge rapide.
David Paitraud 11 mai 2015 Image d'une montre5 minutes icon 3 commentaires
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L'IIA, urgence médicale le plus souvent spontanée, est un repliement en

L'IIA, urgence médicale le plus souvent spontanée, est un repliement en "doigt de gant" d'une section intestinale dans une autre (illustration : "Intussusception EN", Olek Remesz, via Wikimedia Commons).


La vaccination contre les rotavirus chez les nourrissons n'est plus recommandée en France
Tenant compte des nouvelles données de pharmacovigilance concernant le surrisque d'invaginations intestinales aiguës (IIA) observé avec ces vaccins (cf. infra), le HCSP (Haut comité de Santé publique) a publié un avis dans lequel il suspend ses recommandations émises en 2013. 

Aucune exception à la suspension
Cette suspension vaut pour l'ensemble des nourrissons, étant donné qu'aucune population à risque d'effets indésirables n'a pu être identifiée à ce jour. "Il n'est pas possible de définir une population de nourrissons pour laquelle la balance bénéfice/risque pourrait être plus favorable", précise le HCSP, ajoutant qu'il n'était par conséquent pas en mesure de "proposer une stratégie de vaccination sélective, ciblée sur certains nourrissons".

D'ailleurs, l'édition 2015 du calendrier des vaccinations publiée récemment ne mentionne aucune recommandation concernant la vaccination contre les rotavirus.

Des recommandations antérieures en faveur de la généralisation
Le risque d'IAA est connu et mentionné dans les RCP (résumé des caractéristiques du produit) des vaccins en solution buvable ROTARIX et ROTATEQ.

Ce risque étant faible (évalué à 1 à 6 cas supplémentaires d'IIA pour 100 000 nourrissons vaccinés, cf. infra) et pouvant être encadré, et la gastro-entérite pouvant être grave chez les nourrissons (risques de déshydratation pouvant conduire à l'hospitalisation, voire au décès), le HCSP a recommandé, en 2013, cette vaccination pour tous les nourrissons âgés de moins de 6 mois, selon un schéma à 2 doses pour ROTARIX (vaccin monovalent) et à 3 doses pour ROTATEQ (vaccin pentavalent) (Cf. notre article du 18 février 2014).

Cette recommandation était conditionnée par :
  • des ratios coût/efficacité acceptables ;
  • la poursuite du suivi renforcé de pharmacovigilance de ces vaccins. Le HCSP recommandait d'informer les familles quant aux risques d'effets indésirables liés à ces vaccins ; 
  • la poursuite de la surveillance active des souches virales circulantes.

Rappel : de nouvelles données de pharmacovigilance préoccupantes rendues publiques fin mars 2015
En mars 2015, l'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) a communiqué les données récentes de pharmacovigilance enregistrées pour ces vaccins (Cf. notre article du 1er avril 2015).

Ces données, issues du suivi national renforcé des effets indésirables initié en 2012 par l'ANSM et des rapports périodiques de synthèse de pharmacovigilance, ont mis en évidence les éléments suivants :
  • 508 cas d'effets indésirables dont 201 graves (39,6 %) pour 1 million de doses vendues ont été rapportés, soit un taux de notification de l'ordre de 103,4 cas pour 100 000 nourrissons vaccinés, dont 40,9 cas graves pour 100 000 nourrissons vaccinés ;
  • la majorité des effets indésirables notifiés étaient digestifs (74,6 %) et 37,5 % ont conduit à l'hospitalisation du nourrisson vacciné ;
  • 47 cas d'invaginations intestinales aiguës ont été notifiés chez les nourrissons vaccinés et classés comme effets indésirables graves post-vaccinaux (survenus dans les 30 jours après la vaccination). Pour mémoire, l'IIA toucherait entre 30 et 50 nourrissons de moins de 1 an sur 100 000 en France, selon cette étude de l'InVSL'augmentation du nombre d'IIA supplémentaires dans la population vaccinée serait de 1 à 6 cas pour 100 000 en fonction des études, selon les données analysées par l'HCSP fin 2013.
     
Les données transmises par l'ANSM mettent en évidence une évolution défavorable dans certains cas :
  • 2 décès (un survenu avec chacun des 2 vaccins) : cette situation d'issue fatale serait liée en grande partie à une prise en charge trop tardive de l'IIA. Pour ces 2 décès, l'imputabilité à la vaccination n'a pas pu être ni affirmée, ni exclue. Le HCSP remarque par ailleurs qu'"aucun décès potentiellement imputable à la vaccination contre les infections à rotavirus n'a été rapporté en Europe à l'exception de ceux notifiés en France" ;
  • 14 interventions chirurgicales dont 3 ayant nécessité une résection digestive ; 
  • 21 cas de réduction de l'IIA par lavement.

Quel futur pour la vaccination contre le rotavirus en France ? 
A ce jour, les vaccins ROTARIX et ROTATEQ disposent d'une AMM (autorisation de mise sur le marché) et restent donc commercialisés

Si elle n'est pas recommandée en population générale, la vaccination contre les rotavirus peut donc toujours être demandée à titre individuel. Dans ce cas, le médecin doit informer la famille de l'enfant vacciné du risque d'iIIA et des manifestations cliniques évocatrices (accès de pleurs, refus de s'alimenter ou de boire, vomissements, pâleur, hypotonie) devant motiver une consultation en urgence. 

[Edit 22/05] Précisions suite aux commentaires : 
- Dans le monde, 400 à 500 000 bébés décèdent chaque année d'infections à rotavirus, en particulier en Afrique, ce qui justifie pleinement de tenter d'améliorer la lutte contre cette infection, notamment par ces vaccins.
- Dans les pays occidentaux et à revenus plus élevés, notamment en France, la gravité est moindre (environ 14 000 hospitalisations annuelles d'enfants âgés de moins de 3 ans, et 7,6 à 17,3 décès par an en France, selon l'avis du 7 mai 2015 du HCSP), et le bénéfice est donc moins évident (les études de réduction de la mortalité suite à cette vaccination n'ont pas été effectuées sous nos latitudes, précisait le HCSP dans son avis de 2013). 
Une vaccination ciblant spécifiquement les enfants à risques pourrait en conséquence être envisagée, mais le HCSP écarte pour le moment cette possibilité en l'absence de données pertinentes : "ni la littérature internationale relative aux pays industrialisés, ni les données épidémiologiques nationales ne permettent d'identifier des facteurs de co-morbidité ou des facteurs de risque environnementaux (conditions de vie, zone géographique sur le territoire national) susceptibles de définir une population de nourrissons pour laquelle la balance bénéfice/ risque pourrait être plus favorable. Ceci ne permet donc pas de proposer une stratégie de vaccination sélective, ciblée sur certains nourrissons". [/Edit 22/05] 

Pour aller plus loin :
Communiqué - Infections à rotavirus : suspension des recommandations de vaccination des nourrissons (HCSP, 7 mai 2015)
Avis relatif à la vaccination des nourrissons vis-à-vis des gastroentérites à rotavirus (HCSP, 21 avril 2015, mis en ligne le 7 mai 2015)
Vaccins contre les rotavirus (RotaTeq et Rotarix) et rappel sur la prise en charge de l'invagination intestinale aiguë du nourrisson - Point d'Information (ANSM, 31 mars2015)
Avis relatif à la vaccination des nourrissons vis-à-vis des gastroentérites à rotavirus (HCSP, 29 novembre 2013)
Estimated rotavirus deaths for children under 5 years of age: 2008, 453 000, OMS, 2013

Sur VIDAL.fr : 
Vaccins contre les rotavirus : nouvelles données sur les risques d'invagination intestinale aiguë (1er avril 2015)
Vaccination des nourrissons contre les rotavirus : recommandée par le HCSP (18 février 2014)
 

Commentaires

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Simon le doc Il y a 8 ans 0 commentaire associé
Si je comprends bien 47 IIA pour 500.000 vaccinés donc 1 seule IIA pour 10.000 enfant de moins de 1an. Pour les enfants tout venant de moins de 1 an donc non vaccinés c'est 30 a 50 IIA pour 100.000 soit 3 à 5 cas pour 10.000 . il faut immédiatement publier les conclusions de l'ASNM à grande échelle et rendre la vaccination obligatoire et remboursée à 100% car 3 à 5 fois moins d' IIA chez les vaccines. A faire circuler la Bonne Nouvelle .MERCI a L' ANSM et au HCSP pour cette Bonne Nouvelle
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