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Anticoagulation : le passage d'un AVK à un AOD n'augmenterait pas, à court terme, le risque cardiovasculaire ou d'hémorragie majeure

Le remplacement d'un antivitamine K (AVK) par un anticoagulant oral direct (AOD, également appelé NACO) augmente-t-il les risques hémorragiques et thrombo-emboliques ? Ou, au contraire, les diminue-t-il ? 

La revue The Lancet Haematology publie une étude française menée par l'ANSM qui apporte des premiers éléments de réponse plutôt rassurants. Cette étude ne montre pas d'augmentation à court terme des événements indésirables hémorragiques et cardiovasculaires chez les patients avec une fibrillation atriale non valvulaire pour lesquels le traitement par AVK est remplacé par un traitement par AOD, en comparaison avec les patients restant sous traitement AVK.

[édit suite comm' : Au contraire, moins d'incidents de ce type ont été déclarés, mais sans significativité statistique /édit].

Ce travail a été réalisé à partir des données de vente de médicaments anticoagulants entre 2011 et 2012 de l’Assurance Maladie (Système National d’Information Inter-Régimes de l'Assurance Maladie [SNIIRAM]) et les données d'hospitalisation du PMSI. L'étude a porté sur 17 410 patients au total.

Mais le suivi des patients n'a été effectué que sur une courte période (10 mois) et portait sur une substitution par 2 AOD seulement, le rivaroxaban (XARELTO) et le dabigatran (PRADAXA).

Comme le soulignent les auteurs de l'étude, il est nécessaire de poursuivre la surveillance des AOD afin de confirmer d'éventuels bénéfices et/ou surrisques  sur une période plus longue.

Cette analyse s'inscrit dans le plan de surveillance renforcée visant à sécuriser l'utilisation des AOD.
David Paitraud 07 avril 2015 Image d'une montre5 minutes icon Ajouter un commentaire
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Les AVK nécessitent une surveillance régulière de l'efficacité de l'anticoagulation orale, contrairement aux AOD (illustration).

Les AVK nécessitent une surveillance régulière de l'efficacité de l'anticoagulation orale, contrairement aux AOD (illustration).


Une surveillance renforcée des AOD gérée par le pôle Epidémiologie des produits de santé de l'ANSM
L'étude publiée dans The Lancet Haematology a été réalisée au sein de l'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) par le pôle Epidémiologie des produits de santé (Kim Bouillon, Marion Bertrand et Mahmoud Zureik). Elle permet une analyse des données se rapportant à aux AOD en conditions réelles d'utilisation.

Cette étude pharmaco-épidémiologique des risques hémorragiques et thrombo-emboliques s'inscrit dans le plan de surveillance renforcée des AOD, classe pharmacologique disponible en France depuis 2009 dont l'utilisation s'est fortement accrue en quelques années en raison notamment de leur simplicité d'administration.

Plus de 17 000 patients ayant débuté un traitement par AVK entre janvier 2011 et novembre 2012
Réalisée à partir du SNIIRAM (Système National d'Information Inter-Régimes de l'Assurance Maladie) entre janvier 2011 et novembre 2012 (23 mois), l'étude du pôle Epidémiologie des produits de santé apporte donc de nouveaux éléments (de premiers résultats avaient été présentés mi-2014, voir notre article du 2 juillet 2014).

Les patients retenus devaient répondre aux critères d'inclusion suivants : majorité (18 ans et plus), présence d'une fibrillation atriale non valvulaire et traitement par AVK (fluindione, warfarine, ou acenocoumarol) initié entre janvier 2011 et novembre 2012 puis remplacé, ou non, par un AOD.

6 705 patients "switchés" vers un AOD comparés à 10 705 patients restés sous AVK
Au total, 17 410 patients (52 % d'hommes) ont été inclus, avec une moyenne d'âge de 75 ans. Parmi eux, 6 705 ont été concernés par un switch (groupe "switchers"), c'est-à-dire le remplacement de leur traitement initial AVK par un AOD. Les 10 705 restant ont conservé un traitement par AVK (groupe non-switchers).

Selon les données recueillies, la durée moyenne de traitement AVK avant le switch était de 8 mois.

Après le switch, le suivi a été de 10 mois en moyenne (1 an maximum).

Les auteurs ont apparié 1 participant du groupe "switcher" avec 1 à 2 participants du groupe "non switchers" en tenant compte des critères d'âge, de sexe, du motif de traitement AVK, des antécédents de cardiopathie, du type d'AVK, de la date de début de traitement par AVK, de la durée d'utilisation de l'AVK et du nombre d'INR (International Normalised Ratio) sur 30 jours sous AVK avant le remplacement. 

Le remplacement de l'AVK par l'AOD n'entrainerait pas de surrisque majeur hémorragique à court terme
L'étude a permis de comparer la survenue des accidents hémorragiques entre switchers et non-switchers, après la date de remplacement. Les auteurs ont également subdivisé le groupe "switchers" par principe actif, afin de comparer la survenue des événements indésirables entre le groupe "non switchers" et le dabigatran d'une part (un sous-groupe à 75-110 mg, l'autre à 150 mg), le rivaroxaban d'autre part (un sous-groupe à 10-15 mg et l'autre à 20 mg). 

Les événements de type hémorragique, les AVC (accidents vasculaires cérébraux), les embolies systémiques et les IDM (infarctus du myocarde) ont été relevés sur les données d'hospitalisation du PMSI (programme de médicalisation des système d'information). 

En outre, les auteurs ont développé 4 modèles (Cox conditionnel) pour analyser les données recueillies afin de prendre en compte les facteurs de confusion potentiels (comorbidité ou traitements concomitants) et ajuster les résultats sur différents critères (dont l'âge ou les variables d'appariement). 

Les résultats montrent qu'il n'y a pas d'augmentation ni ne diminution significatives à court terme de risque d'événement hémorragique sévère (intracrânienne, gastro-intestinale ou autre) chez les patients passés sous AOD (99 [1%] parmi les "switchers" vs 193 [2%] chez les "non switchers", diminution de 34 % sous AOD non significative : p=0·54). 

Pas de surrisque d'AVC, d'embolie systémique et d'IDM
[édit : La tendance est à la baisse des évènements graves sous AOD, avec une baisse de 22 % des décès constatée, mais non significative /édit]; Les auteurs ne retrouvent pas non plus d'augmentation ni de diminution statistique significative d'AVC ischémique, d'embolie systémique ou d'infarctus du myocarde (primitif ou récidivant) chez les patients qui passent d'un traitement AVK à un traitement AOD, par rapport à ceux qui continuent un traitement AVK :



Les auteurs indiquent donc n'observer aucune différence significative entre le groupe "switchers" et le groupe "non switchers" quels que soient les événements indésirables (hémorragie, AVC, embolie systémique ou IDM primitif ou récidivant) et quel que soit le modèle d'analyse après 10 mois de suivi.

Cette absence de surrisque statistique est également constatée en considérant chaque AOD isolément. 


Limite principale de l'étude : sa brièveté
Seule limite à ces conclusions, la durée du suivi. Les auteurs rappellent en effet que certaines maladies peuvent être longues à se manifester, notamment l'AVC ou l'IDM. Ils estiment qu'un suivi plus long est nécessaire. La surveillance doit donc se poursuivre afin d'étoffer les données à disposition sur l'utilisation des NACO à long terme dans les conditions réelles d'utilisation. 

A propos des anticoagulants oraux
Les anticoagulants oraux constituent une classe pharmacologique largement utilisée. Au cours de l'année 2013, on estime que 3,12 millions de patients français ont reçu au moins un anticoagulant. La consommation des anticoagulants augmente logiquement avec l'âge (13,7 % des sujets âgés de 65 ans et plus).

Les anticoagulants oraux comprennent les antivitamines K et, depuis 2009, les AOD ou NACO (nouveaux anticoagulants oraux). Il s'agit de médicaments inhibant la thrombine (médicament anti-IIa) ou le facteur X activé (médicaments anti-Xa). Ces derniers sont placés sous surveillance en raison du risque hémorragique potentiel, accru par l'absence d'antidote et par l'absence de suivi de l'activité anticoagulante (INR).

Le passage d'un traitement AVK à un traitement par AOD peut être envisagé quand le patient présentant une fibrillation atriale non valvulaire n'est pas stabilisé sous AVK (voir notre article sur la réévaluation des AOD par la Haute Autorité de Santé).

Pour aller plus loin :
Trois publications scientifiques de l'ANSM sur la sécurité des produits de santé et un article sur la déontologie (ANSM, 3 avril 2015)
Risk of bleeding and arterial thromboembolism in patients with non-valvular atrial fibrillation either maintained on a vitamin K antagonist or switched to a non-vitamin K-antagonist oral anticoagulant : a retrospective, matched-cohort study, M.Zureik et coll. The Lancet Haematology, 2 avril 2015
Podcast : Mahmoud Zureik discusses risk of bleeding in patients with non-valvular atrial fibrillation who switched and those who remained on a vitamin K antagonistThe Lancet Haematology, 2 avril 2015, en anglais
Les anticoagulants en France en 2014 : état des lieux, synthèse et surveillanceANSM, avril 2014
Commission de suivi du rapport entre les bénéfices et les risque des produits de santé - Compte-rendu de la séance du 1er juillet 2014, approuvé le 14 octobre 2014ANSM, octobre 2014

Sur Vidal.fr
Réévaluation des NACO : une efficacité différente selon les substances actives (26 janvier 2015)
NACO : insertion progressive de la carte de surveillance du patient dans les conditionnements (17 décembre 2014)
Nouveaux anticoagulants oraux : pas d'augmentation du risque hémorragique à court terme par rapport aux AVK (2 juillet 2014)

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