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Benzodiazépines et substances apparentées : hausse de la consommation en 2012

Pour la deuxième année consécutive, l'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) dresse un état des lieux de la consommation des benzodiazépines et des substances apparentées (zopiclone et zolpidem) en France. Ce bilan porte sur les ventes de cette classe de médicaments enregistrées par l'Assurance maladie au cours de l'année 2012.

En résumé, l'ANSM constate que "la consommation globale de benzodiazépines a augmenté en raison de la progression de la consommation d’anxiolytiques et d’hypnotiques, malgré la baisse importante de la consommation de tétrazépam (diminution de 35 % entre 2010 et 2012) et de clonazépam (diminution de 70 % entre 2011 et 2012)
". L'agence prépare un plan d'actions pour 2014, actions non détaillées dans ce rapport. 
David Paitraud 08 janvier 2014 Image d'une montre5 minutes icon Ajouter un commentaire
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La consommation française de benzodiazépines a cessé de baisser depuis 2008 (© ANSM).

La consommation française de benzodiazépines a cessé de baisser depuis 2008 (© ANSM).

 
Une reprise de la hausse de la consommation
Selon ce rapport, la consommation de benzodiazépines a augmenté en 2012 malgré des modifications intervenues sur ce marché. Ainsi, 131 millions de boîtes de benzodiazépines ont été vendues au cours de l'année 2012, soit près de 4 % de la consommation totale de médicaments. Les anxiolytiques et les hypnotiques représentent la majorité des boîtes de benzodiazépines vendues et correspondent respectivement à 53,2 % et 40,5 % du marché de cette classe de médicaments.
 
Un nombre de consommateurs stable
En 2012, 11,5 millions de français ont consommé au moins une fois une benzodiazépine, et 22 % de ces consommateurs ont eu recours à 2 benzodiazépines simultanément. Selon les auteurs du rapport, ce nombre de consommateurs reste stable depuis 2007.

En outre, on note une augmentation du nombre d'utilisateurs de benzodiazépines hypnotiques dits réguliers (+ 4,8 % de 2007 à 2012), correspondant à une augmentation de la consommation des substances apparentées (zopiclone et zolpidem).

Concernant le profil des consommateurs, l'âge médian est de 56 ans (hors tétrazépam). Les femmes sont majoritaires (64,2 %).
 
L'alprazolam, benzodiazépine la plus utilisée en France
Sur les 22 molécules commercialisées en France en 2012, l'alprazolam prend la tête du classement des benzodiazépines les plus consommées (20 millions de boîtes, soit 626 millions de comprimés), suivie du bromazépam (12 millions de boîtes, 366 millions d'unités) et du zolpidem (25 millions de  boîtes, 365 millions d'unités).

En revanche, la restriction des conditions de prescription et de délivrance concernant le clonazépam a entraîné une diminution de 70 % de sa consommation par rapport à 2011.

Le tétrazépam a également vu sa consommation chuter de 35 % entre 2010 et 2012, notamment en raison de son déremboursement (décembre 2011) et des recommandations visant à restreindre son utilisation suite à la réévaluation du rapport bénéfice/risque de cette molécule. Pour rappel, la suspension de l'AMM (autorisation de mise sur le marché) des médicaments contenant du tétrazépam est intervenue en juillet 2013.
 
Les médecins généralistes sont les plus gros prescripteurs
Le rapport souligne par ailleurs que 90 % des prescriptions de benzodiazépines proviennent de prescripteurs libéraux, parmi lesquels les médecins généralistes, qui prescrivent près de 90 % des benzodiazépines anxiolytiques et hypnotiques.
 
Néanmoins, les auteurs précisent que depuis 6 ans, les prescriptions par les médecins libéraux tendent à baisser.
 
Des modalités d'utilisation pas toujours respectées
L'ANSM souligne que "l'utilité thérapeutique des benzodiazépines n'est pas à remettre en cause". Par contre, le bon usage des benzodiazépines défini par les autorités de santé pour les patients et pour les professionnels de santé n'est pas toujours respecté, notamment concernant les durées d'utilisation qui doivent être courtes.

Ainsi, le temps d'utilisation annuelle constaté est proche de 5 mois pour les anxiolytiques et de 4 mois pour les hypnotiques. Ce temps est plus élevé chez les plus de 65 ans et chez les femmes.
 
Environ 16 % des consommateurs d'anxiolytiques prennent leur traitement sans l'interrompre, et parmi eux, la moitié consomme leur traitement pendant 5,9 ans sans interruption. De même, 17 % des consommateurs d'hypnotiques consomment leur traitement sans l'interrompre.
 
Les doses de benzodiazépines utilisées sont le plus souvent celles recommandées par l'AMM, sauf parmi les consommateurs d'hypnotiques pour lesquels une tendance à avoir recours à des doses supérieures a été mise en évidence.
 
Rappel des risques des benzodiazépines
Les auteurs rappellent que l'utilisation de benzodiazépines expose à des risques d'effets secondaires d'ordre neurologique (somnolence, comas, amnésie, perte de connaissance) et psychiatrique (confusion, agitation, pharmacodépendance, abus). Chez les sujets âgés, les benzodiazépines peuvent entraîner des chutes.

L'ANSM mentionne également une étude française réalisée par le Pr Bégaud et son équipe à partir de la cohorte PAQUID,(suivi depuis 1988 de près de 4000 personnes de plus de 65 ans). Cette étude, publiée en 2012 dans le British Medical Journal, a montré une association entre la prise récente de benzodiazépines et le risque de démence. A noter que seuls 95 nouveaux utilisateurs étaient suivis par PAQUID, ce qui limite la portée statistique de cette association. L'ANSM souligne aussi que "l'influence des doses n'a pas été étudiée. Par ailleurs, il serait intéressant d'obtenir des informations dans une population plus jeune" (paragraphe édité le 9/01).
 
Autre risque, cette fois-ci confirmé, le phénomène de tolérance observé avec les benzodiazépines, qui entraîne un risque d'augmentation posologique progressive.

Dernier risque évoqué par l'ANSM : l'implication possible des benzodiazépines dans les accidents de la route. En France, environ 1,03 % de ces accidents seraient imputables aux benzodiézépines.

Rappel des possibles usages problématiques des benzodiazépines 
Trois risques d'usage problématique sont également rappelés par les auteurs : 
- le risque d'abus, de pharmacodépendance et d'usage détourné : en 2012, les 5 benzodiazépines faisant le plus l'objet d'abus par les patients suivis par les médecins généralistes sont le bromazépam, le zolpidem, l'oxazépam, l'alprazolam, et le diazépam ;
- le risque d'usage criminel, en particulier de soumission chimique :  les benzodiazépines sont les substances les plus fréquemment impliquées dans les cas d'administration à des fins criminelles (viols, actes de pédophilie) ou délictuelles (violences volontaires, vols) de substances psychoactives à l'insu de la victime ou sous la menace ;
- le risque de prescription hors-AMM : Les outils de surveillance de l'utilisation des médicaments ont mis en évidence l'existence de prescriptions hors AMM pour certaines benzodiazépines. C'est en particulier le cas du clonazépam, indiqué dans le traitement de l'épilepsie mais majoritairement prescrit dans d'autres indications, notamment la douleur, les troubles du sommeil et les troubles anxieux.
 
Un nouveau plan d'actions et une campagne de communication
En 2013, le marché des benzodiazépines a encore évolué par rapport à 2012, avec l'arrêt de commercialisation du flunitrazépam et la suspension d'AMM du tétrazépam.

S'il faudra attendre encore quelques mois avant de connaître l'état des lieux de la consommation de benzodiazépines au cours de l'année écoulée, les risques liés à l'usage plus ou moins continu des benzodiazépines par 11 millions de Français incitent les autorités sanitaires à renforcer les mesures de prévention, voire de restriction, avec un "nouveau plan d'actions qui sera accompagné d'une campagne de communication vers les professionnels et le grand public".

L'agence précise que "les professionnels de santé, médecins prescripteurs et pharmaciens seront consultés et impliqués directement dans la mise en place de ces mesures qui devraient survenir dans le courant de l'année 2014".

David 
 
Sources et ressources complémentaires

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