#Santé publique

Une "superbactérie du sexe bien pire que le Sida" ? Démenti des autorités sanitaires américaines

Depuis le 30 avril dernier, de nombreux medias propagent une rumeur sanitaire inquiétante : une "superbactérie du sexe", identifiée préalablement au Japon en 2011, serait réapparue à Hawaï et serait "pire que le sida".

Bien que les autorités de santé américaines aient rapidement démenti, cette –fausse- information continue à se propager sur internet.
07 mai 2013 Image d'une montre4 minutes icon Ajouter un commentaire
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Gonocoques (Neisseria Gonorrhoeae) vus au microscope

Gonocoques (Neisseria Gonorrhoeae) vus au microscope


La rumeur : un risque de fléau "bien pire que le SIDA à court terme"
Depuis le 30 avril, les médias américains, y compris la très sérieuse chaîne financière de télévision CNBC, s'inquiètent : des scientifiques auraient identifié à Hawaï une forme gravissime de  gonorrhée (infection sexuellement transmissible due aux gonocoques, également appelée blennorragie ou "chaude-pisse", en raison des brûlures urinaires qu'elle déclenche).

Cette gonorrhée serait due à la souche H041 de Neisseria gonorrhoeae (nom latin du gonocoque), identifiée au Japon en 2011. Elle exposerait à un risque de "choc septique" et serait résistante à tous les antibiotiques. De plus, cette bactérie serait très contagieuse, et aurait déjà été identifiée en Californie et en Norvège. CNBC cite le témoignage d'un médecin "naturopathe", Alan Christianson, pour qui "cela pourrait être bien pire que le SIDA à court terme parce que la bactérie est plus agressive et infectera plus rapidement les gens".

Selon d'autres articles, les autorités sanitaires américaines auraient même officiellement demandé 50 millions de dollars au Congrès américain pour développer au plus vite un nouvel antibiotique après la découverte de ces cas à Hawaï et en Californie.

Résultat, cette information, probablement considérée comme "validée" car relayée par CNBC, a été reprise sur d'autres chaînes de télévision américaines et de multiples medias en ligne, y compris francophones. Et ce malgré un démenti rapide des autorités.

Le démenti : les cas de gonorrhée à Hawaï ont été soignés... par des antibiotiques usuels
"L'affirmation selon laquelle la bactérie H041 a été trouvée hors du Japon est incorrecte", a fait savoir dès le 2 mai The Centers for Disease Control and Prevention [CDC, agence fédérale américaine de santé publique].

Cette agence a précisé que des souches de gonorrhée résistantes à un antibiotique, habituellement non recommandé en première intention, avaient bien été identifiées à Hawaï, mais que d'autres antibiotiques avaient finalement guéri ces infections. Il ne s'agissait donc pas de la superbactérie trouvée au Japon en 2011.

Le CDC souligne aussi que "jusqu'à présent, il n'y a pas eu d'échecs thérapeutiques chez des patients présentant des gonorrhées traitées avec les antibiotiques actuellement recommandés en première intention".

Cette correction a été intégrée sur la plupart des sites d'actualité américains… Mais l'information erronée sans correctif persiste sur de nombreux autres sites, y compris français.   

La souche H041 de Neisseria gonorrhoeae, une "superbactérie" en puissance ?
En janvier 2011, des scientifiques japonais ont isolé, sur des prélèvements du pharynx d'une prostituée de 31 ans, une souche de gonocoques "hautement résistante" à tous les antibiotiques testés, y compris au ceftriaxone, "dernière option restante pour le traitement en première ligne" de cette infection.

Les auteurs craignaient que cette bactérie deviennent super-résistante, c'est-à-dire qu'elle provoque une épidémie d'infections incurables. Ils appelaient à un renforcement de la surveillance de ces infections, ainsi qu'au "nécessaire développement de nouveaux médicaments efficaces pour le traitement de la gonorrhée".

Mais heureusement, depuis 2011, cette souche bactérienne n'a pas été retrouvée chez d'autres patients.

Un rappel sur la nécessaire vigilance… et protection des rapports sexuels
L'alerte évoquée ci-dessus n'était donc qu'une fausse alerte qui a cependant le mérite d'attirer à nouveau l'attention sur le phénomène des bactéries super-résistantes aux antibiotiques : "il n'y a pas gonocoque superrésistant aux antibiotiques à Hawaï ou aux États-Unis. Je répète que nous n'avons pas isolé la superbactérie à Hawaii, mais je pense que cela attire la conscience des gens sur le fait que la gonorrhée est là, qu'il ya de nouvelles souches qui se développent et évoluent. Nous devons être conscients de cela et nous protéger", a déclaré à la chaîne Hawaï News Now Peter Whiticar, de la Direction hawaïenne du contrôle de la prévention MST / SIDA.

L'utilisation plus systématique du préservatif, suggérée par Peter Whiticar, peut certes protéger des IST, mais qu'en est-il d'autres infections potentiellement super-résistantes, comme celles par les Staphylocoques dorés résistant à la méthiciline (SARM) ?

L'usage raisonné des antibiotiques (chez l'homme, mais aussi chez l'animal) combiné aux efforts de la recherche pour créer de nouvelles molécules ou approches thérapeutiques suffiront peut-être, il faut l'espérer, à endiguer l'inquiétante montée des résistances bactériennes…

Jean-Philippe Rivière

Sources et ressources complémentaires :
- "Sex Superbug Could Be 'Worse Than AIDS'", CNBC, 2 mai 2013
- "Sex Superbug Could Be 'Worse Than AIDS' : correction", CNBC, 2 mai 2013
- "Ceftriaxone-Resistant Neisseria gonorrhoeae, Japan", Ohnishi M et coll., Emerging Infectious Diseases, janvier 2011
- "Is Neisseria gonorrhoeae Initiating a Future Era of Untreatable Gonorrhea?: Detailed Characterization of the First Strain with High-Level Resistance to Ceftriaxone", Ohnishi M et coll., Antimicrobial Agents and Chemotherapy, juilllet 2011
- "Update on 'Sex Superbug' in Hawaii", hawaiinewsnow.com, 2 mai 2013
Sources

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